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Proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments
Pour répondre à la crise actuelle du logement, la proposition de loi entend faciliter la transformation de bureaux, d'anciens bâtiments publics ou d'autres locaux professionnels en logements. Elle lève certains obstacles réglementaires ou administratifs et crée un permis de construire "réversible".
La production de logements connaît une baisse importante, augurant de futures pénuries. La crise du logement actuelle pousse au pragmatisme afin d'augmenter le stock de logements disponibles. Faciliter des opérations de reconversion de bâtiments tertiaires en logements comporte de nombreux avantages : lutte contre la vacance des locaux ; objectifs de transition énergétique et de mixité sociale.
Ces deux dernières années, le taux d'occupation des bureaux a diminué de 5,4%. Si les surfaces de bureaux sont importantes (1,1 million de m2 en situation de vacance durable en Île-de-France), le "gisement foncier" des zones commerciales périurbaines représenterait 55 000 ha.
La transformation de bâtiments tertiaires en logements reste toutefois une opération marginale du fait de plusieurs freins législatifs : modification des sous-destinations du plan local d'urbanisme (PLU) ; nature du permis de construire délivré, prise de décisions au sein des copropriétés…
La proposition de loi entend lever ces freins et simplifier le droit pour faciliter les opérations de transformation. Le texte initial ne concernait que le recyclage de bureaux en logements, mais les parlementaires ont étendu ses dispositions aux anciens bâtiments publics et à tous types de bâtiments tertiaires (locaux hôteliers, garage, bâtiments agricoles désaffectés...). Ces opérations pourront comporter une part de locaux autres que des logements (par exemple des commerces), dans un objectif de mixité fonctionnelle.
Dérogation au plan local d'urbanisme
Le texte autorisera les maires (ou présidents d'intercommunalités) à déroger aux règles du PLU, dans les zones où la destination habitation n'est pas autorisée, pour permettre le changement de destination de bâtiments tertiaires en logements (par exemple bureaux, anciennes trésoreries, Postes ou cités administratives, locaux hôteliers, locaux commerciaux, bâtiments ruraux).
Cette faculté de dérogation au PLU a été élargie à toutes les communes et intercommunalités par les députés (le texte initial ne visait que les communes en zone tendue). Les sénateurs ont pour leur part étendu la dérogation à toutes les autorisations d'urbanisme (comme les déclarations préalables). Ils ont également permis d’exempter, au cas par cas, les opérations de transformation des obligations qui peuvent figurer dans les PLU en matière de taille minimale des logements.
Un autre amendement a accordé aux communes ayant délégué leur compétence urbanisme à une intercommunalité le droit de s'opposer à des opérations de transformation sur leur territoire dans le cas où elles supporteraient l'essentiel des charges de service public (écoles, crèches, voiries, etc.).
La reconversion de bâtiments en zone agricole ou zone naturelle sera conditionnée à un avis favorable de commissions spécialisées.
Afin de soutenir les projets des collectivités locales, l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourra les accompagner dans l'identification des locaux et dans la phase d'étude du potentiel de transformation en logements.
Taxe d'aménagement et projet urbain partenarial
La reconversion de bureaux en logements a un impact sur la taxe d'aménagement. Aujourd'hui, ce changement de destination est assujetti à la taxe d'aménagement (TA) seulement s'il y a augmentation de la surface.
La proposition de loi, telle qu'amendée par le Sénat, permettra aux communes et aux intercommunalités de percevoir au 1er janvier 2025 dans tous les cas d'opération de création de logements à partir de bureaux ou d'autres bâtiments tertiaires la taxe d'aménagement, même s'il n'y a pas création de surface supplémentaire. Elle fixe l'assiette de la taxe.
Si cette taxe est déjà instituée dans la commune, une délibération spécifique ne sera pas nécessaire (les députés avaient exigé une délibération).
Les communes pourront toutefois toujours délibérer pour ne pas instituer cette taxe, par exemple si les équipements collectifs que la taxe d’aménagement devrait permettre de financer existent déjà (écoles, crèches...).
Via des amendements parlementaires, les projets de transformation à un stade déjà avancé seront exonérés, sous certaines conditions, de la taxe annuelle sur les bureaux et autres locaux professionnels (TSB). Cette taxe est perçue en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA).
Le texte étend par ailleurs le projet urbain partenarial (PUP) aux opérations de transformation de tous types de bâtiments d'activité en habitations. Le préfinancement d'équipements publics par des personnes privées s'étendrait ainsi aux opérations de transformation.
Nouveau permis de construire "réversible"
La proposition de loi crée un permis de construire à destinations successives, sans ordre de succession a priori. Avec ce permis de construire "réversible", la transformation de bureaux ou autres locaux en logements sera anticipée et facilitée dès la construction. Un bâtiment réversible sera à même de surmonter l'obsolescence de son premier usage. Plusieurs outils, récemment introduits dans le droit de l'urbanisme, permettent déjà de tels permis à destination multiple dans des contextes limités (permis expérimentaux d'innover et à "double état" prévus par la loi ELAN de 2018 et dans le cadre des infrastructures des jeux Olympiques de 2024).
Les communes qui ont délégué leur compétence urbanisme à une intercommunalité disposeront d'un droit de veto pour la délimitation sur leur territoire des secteurs où l'octroi des permis réversibles sera possible.
À l'initiative des sénateurs, la procédure d'attribution de ce nouveau permis a été clarifiée et sa durée de validité fixée à 10 ans, renouvelable deux fois pour 5 ans, donc 20 ans au maximum (soit la durée moyenne au bout de laquelle un bâtiment nécessite une réhabilitation globale). Un décret est prévu.
Création de logements étudiants
La proposition de loi facilitera aussi la création de logements étudiants. Elle ouvre de façon durable aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) les marchés publics de conception-réalisation, comme c'est le cas actuellement pour les organismes d'habitations à loyer modéré (HLM). Les CROUS ont déjà bénéficié d'une telle facilité entre la loi ELAN et fin 2021.
Les parlementaires ont étendu la majoration du volume constructible prévu par le PLU à la réalisation de résidences universitaires. Ce bonus de constructibilité est déjà applicable aux logements sociaux.
Changement d'usage dans les copropriétés mixtes
La proposition de loi ne concerne pas que les immeubles de bureaux. Elle vise aussi les bureaux et commerces dans les copropriétés à usage mixte comme il en existe dans les centres bourgs ou dans les métropoles.
Elle permettra à un copropriétaire de changer l’usage de ses parties privatives à usage tertiaire (bureau ou commerce) en logement. Si le changement contrevient à la destination de l'immeuble, il sera soumis à la majorité simple de l’assemblée générale des copropriétaires.
La modification de la répartition des charges spéciales de copropriété qui résulterait d'un changement de destination est enfin simplifiée. Cette décision pourra être adoptée à la majorité simple.